par Mariko Matsumoto,
Le 11 mars 2011, un séisme dévastateur de magnitude 9 a frappé l’archipel japonais, et les images des dégâts causés par le tsunami qui a suivi ont choqué le monde entier. Le raz de marée massif a frappé la côte orientale du Japon, en particulier les ports et les villes situés le long de la côte en dents de scie de ma région du Tohoku. Immédiatement après la catastrophe, Mariko Matumoto se souvient de personnes marchant en silence, à la recherche de parents et de connaissances disparus, d’eau et de provisions. Dans cette deuxième partie, Mariko Matumoto examine les effets négatifs de ce qu’elle appelle le « capitalisme du désastre » et les signes d’espoir qu’elle voit dans les nouvelles valeurs des jeunes. Ce qui lui donne le plus d’espoir est le fait que le monde est imprégné de l’énergie de Maitreya.
Une digue géante
Lorsque j’ai vu le long mur côtier photographié d’en haut par un drone, il ressemblait à un serpent gris-blanc rampant le long du rivage. Il s’agit d’un énorme mur de béton qui longe la côte. Le tsunami a détruit jusqu’aux fondations de certaines villes, et d’autres ont été entièrement perdues. Sous le slogan Protéger la ville du tsunami, un énorme projet de digue a été lancé le long de la côte immédiatement après le tremblement de terre. Ce plan était controversé et divisait les habitants des petits ports de pêche et des villes portuaires qui ont dû finalement l’accepter tel qu’il était proposé par la préfecture. Cependant, dans quelques communautés, les habitants se sont regroupés pour protéger leur magnifique littoral et les plages restantes. Grâce à des pétitions et à de patientes consultations, ils ont forcé le gouvernement à modifier le plan et à annuler la digue.
Quelles conséquences la destruction de l’écosystème causée par la digue aura-t-elle à l’avenir ?
La construction des digues a été classée dans la catégorie des « installations de protection côtière » qui ne nécessitent pas d’évaluation environnementale en raison de leur statut juridique. L’impact environnemental des digues n’est donc pas pris en compte. Quelles conséquences la destruction de l’écosystème causée par la digue aura-t-elle à l’avenir ? L’énorme digue était-elle vraiment nécessaire pour un tsunami qui se produit une fois tous les quelques centaines ou milliers d’années ? Les pêcheurs locaux savent que, quelle que soit la taille des digues en béton, elles ne peuvent empêcher un tsunami. Le principe de sécurité de base est l’évacuation. Les habitants de la ville portuaire qui vivent et respirent avec la mer disent qu’une digue les empêche de voir la mer, alors que s’ils pouvaient voir une vague de tsunami arriver de loin, ils auraient plus de temps pour évacuer. Nous ne devrions pas nous contenter de construire d’énormes digues, mais plutôt mettre en place un système d’alerte précoce et demander aux habitants de pratiquer régulièrement des exercices et des méthodes d’évacuation fondés sur leur propre jugement.
Dans les zones côtières l’océan a toujours été comme un « parent » généreux, mais les éléments de l’océan restent dangereux. Les pêcheurs connaissent mieux que quiconque les inconvénients des digues pour l’industrie de la pêche traditionnelle qu’ils pratiquent depuis de nombreuses années. Ils savent que des catastrophes naturelles dépassant l’imagination humaine peuvent se produire et que les hommes ne peuvent pas contrôler la nature.
En outre, la construction de digues massives fera inévitablement s’enfoncer le sol au fil du temps et nécessitera des réparations périodiques. On pourrait considérer ces travaux et des constructions ultérieures comme une autre forme de capitalisme du désastre.
Si le gouverneur n’a pas insisté sur la construction de la digue, c’est parce qu’il était pressé d’obtenir le budget de reconstruction. C’est aussi un problème de l’ancien système d’administration organisé de haut en bas. Et l’accent mis sur l’accélération du processus de reconstruction a conduit à « oublier » l’importance du débat public.
La dette : le résultat du capitalisme de catastrophe
La digue ressemble à un serpent gris-blanc rampant le long du rivage. Il s’agit d’un énorme mur de béton qui longe la côte
Parallèlement à la digue, une autoroute a été construite en coupant les arbres de la forêt et de nouvelles villes ont été bâties sur des terrains spécialement construits en prenant des tonnes de terre dans les montagnes. Les belles régions anciennes, avec leurs routes sinueuses et leurs ruisseaux, leurs rizières et leurs collines couvertes de forêts, avec leurs vieilles maisons traditionnelles, ont été urbanisées et transformées en « paysages linéaires » plats, ne laissant aucune trace des villages de montagne d’origine. Le processus de reconstruction privilégie l’efficacité et impose à la campagne un paysage linéaire centré sur l’homme. Même si les villes ont été aménagées et reconstruites, les conditions de vie réelles dans les zones touchées n’ont pas été rétablies. En fait, certaines personnes ont encore du mal à rembourser des prêts importants pour reconstruire leur maison et relancer leur entreprise. Ils pensaient peut-être que la reconstruction de leur maison entraînerait la reconstruction de leur vie, mais ce qui leur reste après la catastrophe, c’est la dette.
On dit que le capitalisme de catastrophe a des relents de néolibéralisme. Les fonds sont alloués en priorité à la reconstruction des biens publics ; les sinistrés viennent en second lieu ce qui fait que les subventions et l’aide financière fournies sont insuffisantes pour reconstruire leurs vies. De plus, l’aide à la reprise des activités est basée sur des prêts et non sur des subventions et devra finalement être remboursée. Il s’agit d’une forme d’abandon des victimes de la catastrophe ; elles ne sont pas considérées comme des personnes ayant besoin d’aide et je pense que cela s’applique également à l’attitude du gouvernement envers les victimes de l’accident nucléaire de Fukushima.
Les pêcheurs locaux savent que, quelle que soit la taille des digues en béton, elles ne peuvent empêcher un tsunami.
Le slogan après le tremblement de terre était « Reconstruction créative », mais ce qui m’a le plus surpris et mise en colère, c’est que les Jeux olympiques de Tokyo de 2020 ont été appelés les « Jeux olympiques de la reconstruction ». Ils ont été reportés en raison de la catastrophe du coronavirus mais, malgré les pics d’infection récurrents, ils ont bien eu lieu en 2021 sans tenir compte de l’opposition du public. J’ai été irritée par le slogan du gouvernement, qui utilisait les Jeux olympiques de Tokyo comme un signe de la reprise miraculeuse après la catastrophe. Alors que nous sommes toujours en train de gérer les séquelles et de reconstruire, la reprise après la catastrophe est au point mort. Nous devrions examiner ce qui se passait derrière la candidature olympique ; qui en tirait les bénéfices et où sont allés les capitaux ? N’est-il pas évident que c’est le revers du capitalisme ?
Le néolibéralisme a pénétré tous les domaines de la politique et de l’économie, et la demande constante de « croissance économique » semble s’être substituée à la notion de « vie confortable ». La signification de l’expression « la crise est une opportunité » diffère grandement selon la position de chacun. L’objectif du capitalisme du désastre, qui s’est immiscé dans le pays au nom de la reconstruction, est complètement différent de l’attitude des populations locales, qui tentent de surmonter la crise et de se reconstruire par la coexistence avec la nature et l’autogestion.
Les habitants des zones côtières qui ont choisi de vivre avec la mer ont accepté les dommages causés par les tsunamis dans le passé, mais ils se sont rétablis et ont surmonté le choc et les graves dommages à chaque fois, et ont vécu avec une « économie qui valorise la vie » comme une évidence. Comme le dit le proverbe, « les experts savent mieux que quiconque » ; l’économie locale a toujours été bien équilibrée, chacun assumant des rôles spécialisés dans la répartition et le partage des tâches. Certains sont experts dans la fabrication de récipients en bois, d’autres dans la teinture des textiles, d’autres encore dans la fabrication du saké, etc.
Mais avec l’arrivée des grands capitaux, ce n’est plus le cas et le système économique local se transforme, les gens s’essayent à d’autres industries pour survivre et sont naturellement pris dans le principe de la concurrence. Afin de se remettre du tremblement de terre, les projets de travaux publics ont fleuri ; les biens, les personnes et l’argent ont circulé. La population est devenue encore plus divisée après le tremblement de terre.
J’éviterai les détails ici, mais je pense que l’argent de la décontamination de la centrale nucléaire de Fukushima n’est qu’une variante japonaise du business de la catastrophe qui est introduit sans que nous le remarquions. Elle nous prive de nos liens avec les gens et la nature et nous oblige à continuer à travailler pour le remboursement des prêts tant que nous vivons et essayons de reconstruire nos vies. Et elle nous entraîne dans la compétition, favorisant de nouvelles disparités économiques, médicales, éducatives et autres.
Le lien des gens avec la nature
Il y a cependant des gens qui explorent une direction différente de celle du gouvernement. Il existe des organisations à but non lucratif et des pêcheurs qui, bien qu’ayant tout perdu avec le tsunami, gardent espoir dans la pêche et dans le pouvoir de la mer à les nourrir ; ils se sont levés, confiants dans leur capacité à reprendre la pisciculture. Ils ont continué à planter des arbres dans la forêt, comme ils l’avaient fait avant le tremblement de terre, et à pêcher, convaincus que « les forêts riches nourrissent les mers riches ». Ils entretiennent et gèrent la forêt près des villages et favorisent la biodiversité car les forêts sont reliées à la mer par les rivières. Ce faisant, ils cherchent à préserver l’environnement de la mer. Ils estiment que la renaissance de la forêt entraînera la revitalisation de toutes les industries primaires et la reconstruction de la région.
Toutes ces communautés ont décidé de se réinstaller sur des terrains plus élevés après le tremblement de terre. Les habitants ont convenu à l’unanimité qu’il n’était pas nécessaire d’ériger des digues qui endommagent le paysage et l’écosystème et ils ont forcé le gouvernement à retirer ses plans de construction. Actuellement, à l’intérieur des terres, près d’une petite crique emportée par le tsunami, les habitants, le gouvernement et les chercheurs travaillent ensemble pour protéger et entretenir l’écosystème dans le cadre d’une expérience unique. La catastrophe a rassemblé des personnes compétentes dans différents domaines, et de nouveaux développements sont en train de voir le jour. L’écosystème a été endommagé par le tsunami, mais il a également créé un nouvel environnement, différent du précédent. Il est devenu un catalyseur d’idées sur la manière de préserver et d’utiliser le milieu sans être lié par la restauration de la forme originale. Il a donné aux pêcheurs l’espoir de vivre à nouveau avec la mer.
Le tsunami détruit, avale et emporte ce qui est tangible, mais il ne peut priver les gens de la sagesse et de l’histoire qu’ils ont cultivées en eux. La nature est en constante évolution ; elle ne se contente pas d’enlever ce que les gens avaient, elle leur donne aussi de nouvelles choses. Les activités de ce petit village sont une occasion et un terrain de réflexion sur la manière de vivre et de travailler de manière durable avec les hommes et la nature dans un mouvement circulaire de donnant-donnant.
La coopération libère la bonne volonté intérieure
Depuis le tremblement de terre, les jeunes ont progressivement commencé à s’installer dans la zone touchée. Ils ont partagé leurs nouvelles idées et activités avec la population locale. Les anciennes coutumes et valeurs sont réévaluées et les habitants sont désormais prêts à accepter de nouvelles visions. Les initiatives de la jeune génération suscitent divers types d’intégration et de coopération.
Dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre, les gens ont compris qu’ils pouvaient mieux vivre en coopérant. Ils ont partagé quelques œufs, ils se sont naturellement encouragés, même s’ils ne se connaissaient pas. De cette façon, ils ont réalisé qu’ils étaient encore en vie et ils ont été entourés d’un sentiment de sécurité. Je pense que la vie quotidienne modeste et simple était remplie d’un esprit solennel de connexion profonde, qui est complètement différent de la satisfaction matérielle. Je crois que la coopération et la compassion qui ont émergé dans la vie quotidienne au moment du tremblement de terre provenaient d’une sorte de sainteté humaine qui a surgi instinctivement pour le « bien général ». Le Maître de Benjamin Creme dit : « […] Par la coopération et par elle seule, les hommes apprendront le véritable art de vivre. […] et ainsi les hommes apprendront à apprécier la beauté de relations que seule la coopération peut leur accorder. » Il poursuit : « Par la coopération, la nouvelle civilisation se construira. » [le Maître de Benjamin Creme, extrait de L’art de coopérer]
Maitreya nous a appris que la marchandisation de toutes les relations est plus dangereuse pour le monde qu’une bombe atomique. Benjamin Creme explique comment le mercantilisme « imprègne lentement, insidieusement, tous les aspects de la vie. [… ] C’est extrêmement subtil. Nous ne le voyons pas venir. » Il ajoute : « Le danger est la marchandisation de nos concepts, de nos valeurs ». [Benjamin Creme, Le Grand Retour]. C’est exactement ce qui se passe, non seulement dans les zones sinistrées mais dans le monde entier. Afin de reconnaître ce qu’il advient réellement, nous devons examiner les faits auxquels nous sommes confrontés et être conscients de ce qui survient derrière nous. Mais avec quel sérieux avons-nous porté notre attention sur le fait que la mainmise commerciale est dangereuse et grave, comme nous en a averti Maitreya ?
Le monde est désorienté par les guerres autour des vaccins anti-Covid et les priorités économiques font remonter à la surface une concurrence et une division supplémentaires. Mais de nombreuses personnes ne resteront plus silencieuses car le monde entier est chargé de l’énergie de Maitreya.
« Ils commenceront donc à construire un monde nouveau, sur les ruines du passé, affirmant de plus en plus leur capacité à répondre aux défis qui se présentent. » [Le Maître, L’avènement d’un monde nouveau, 8 février 2015]
https://partageinternational.org/bpi_numeros/397/#les-signes-vitaux-de-la-planete-atteignent-de-dangereux-points-de-bascule« Mais mes frères, la souffrance n’aura qu’un temps, et nombreux sont ceux qui le savent déjà. Vous trouverez de l’aide en abondance pour franchir ce cap difficile. Accueillez avec joie l’âge qui commence, et sachez reconnaître les signes du renouveau. » [Message de Maitreya, PI, mai 2016]
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